Gérer l’érosion dentaire : Connaissances actuelles et directions futures
Numéro du cours: 517
Contenu du Cours
Contexte
L’érosion dentaire est une pathologie qui résulte d’une exposition excessive aux acides érosifs, qu’ils soient d’origine extrinsèque (alimentaire) ou intrinsèque (gastrique). D’abord quantifiée à grande échelle au Royaume-Uni,1,2 puis dans toute l’Europe,3-7 ce problème a ensuite suscité un intérêt important à une échelle globale.8,9 Cette pathologie est particulièrement importante pour les professionnels de la santé bucco-dentaire, et leur pose des défis quant à son traitement. Du point de vue du patient, l’érosion dentaire peut être associée à des problèmes esthétiques et à des douleurs dues à une hypersensibilité dentinaire. Elle peut également avoir une incidence sur la fonction des dents à long terme. Du point de vue du professionnel de la santé bucco-dentaire, cette maladie peut être très difficile à gérer ; il faut parfois modifier les habitudes du patient, ce qui représente un obstacle important.
Dans la plupart des cas, l’érosion dentaire ne se présente pas comme une pathologie unique. Elle fait partie d’un état général multifactoriel appelé usure dentaire érosive (erosive tooth wear ou ETW) (figure 1). L’usure dentaire érosive est un problème croissant, observé quotidiennement dans la pratique générale (figure 2). Elle comprend différents facteurs, dont l’érosion dentaire, l’abfraction, l’abrasion et l’attrition, individuellement ou en combinaison. En général, l’usure dentaire érosive est classée en fonction du mécanisme spécifique responsable de l’usure. Tandis que le mécanisme d’usure dentaire résultant de l’érosion est un processus chimique, l’abfraction, l’abrasion et l’attrition sont le résultat de forces physiques.
Par le passé, et en particulier aux États-Unis, les professionnels de la santé bucco-dentaire associaient souvent l’usure dentaire à l’occlusion et au bruxisme. Mais en réalité, ce phénomène est probablement davantage lié à l’acide. Les changements sur les surfaces linguales des dents érodées, par exemple, sont probablement le résultat d’une combinaison d’acide et de forces de frottement répétitives de la langue.10 Il ne s’agit pas d’une occlusion ou d’un quelconque mouvement de type bruxisme. On observe deux processus distincts, ce qui souligne la complexité du problème. Quelles que soient les forces en jeu chez un patient, le résultat clinique net est la perte de surface dentaire.
Figure 1.
L’usure dentaire par l’érosion (UDE) est un terme général qui englobe l’érosion, l’abfraction, l’attrition et l’abrasion dentaires, seules ou combinées.
Figure 2.
Érosion sévère chez un patient consommant quotidiennement 5,5 litres (1,5 gallon) de thé kombucha, une boisson fermentée à faible pH.
L’érosion dentaire est le résultat d’une dissolution des tissus dentaires durs par des acides intrinsèques ou extrinsèques qui ne sont pas d’origine biologique.
L’abfraction est une forme d’usure physique le long de la marge gingivale qui n’est pas causée par l’activité acide des bactéries.
L’abrasion est une forme d’usure physique qui résulte d’interactions mécaniques avec les surfaces opposées des dents, comme le brossage de dents ou le contact répété d’un corps étranger.
L’attrition est une forme d’usure physique qui se produit lorsqu’une dent entre en contact avec une autre. Ce phénomène est souvent associé au bruxisme (grincement de dents).
Sur le plan clinique, l’usure dentaire érosive est souvent associée à une combinaison de processus d’usure dentaire, l’érosion dentaire étant la forme la plus courante. En outre, certaines habitudes d’hygiène dentaire, comme le brossage avec une brosse à dents à poils durs ou le brossage trop tôt après avoir absorbé des aliments ou des boissons contenant de l’acide, peuvent avoir une incidence sur l’usure des dents. Un brossage excessif des dents peut également entraîner la destruction de parties importantes de la pellicule dentaire acquise. Cette pellicule sert de protection naturelle contre les acides érosifs et l’usure par frottement. Lorsque les dents sont brossées immédiatement avant de manger ou de boire, l’épaisseur de la pellicule, et donc sa capacité à protéger les surfaces exposées des dents, est réduite. Peu après le brossage, la pellicule commence sa restauration. De nombreux professionnels de la santé bucco-dentaire suggèrent maintenant d’attendre une à deux heures après le brossage avant de consommer des aliments et des boissons contenant de l’acide,11 pour donner à la pellicule suffisamment de temps pour retrouver un niveau de défense raisonnable.
Comme nous le savons tous, notre espérance de vie augmente. Si nous étions nés aujourd’hui, notre espérance de vie moyenne pourrait être de 100 ans. Nos collègues médecins recommandent de manger plus de fruits et légumes frais afin de lutter contre certaines maladies, comme le diabète et les maladies cardiovasculaires. Or, il s’agit parfois d’un régime alimentaire plus érosif. En outre, notre consommation de boissons acides non alcoolisées augmente de façon spectaculaire d’année en année. En comparant les populations du Royaume-Uni et des États-Unis, on peut anticiper un niveau significatif d’érosion dentaire dans la population générale,12 Cette augmentation est encore plus élevée chez les groupes spécifiques à haut risque.2,4,13Les données suggèrent que la présence d’érosion est en constante augmentation.8,14 Une étude récente en Europe a montré que 30 % des jeunes adultes âgés de 18 à 35 ans, souffraient d’érosion dentaire, dont une grande partie peut être attribuée à une consommation excessive de boissons gazeuses.15
La génération des "baby-boomers" représente une proportion importante des patients dans de nombreux cabinets dentaires. Ces patients sont très différents des personnes d’âge similaire d’il y a 20 ou 40 ans. Les patients vivent désormais plus longtemps, gardent leurs dents plus longtemps et sont plus actifs physiquement. Nombre d’entre eux sont sensibles à l’esthétique, et ont différents types d’exigences; ils ne sont pas prêts à se contenter d’extractions et de prothèses dentaires. Les taux d’édentulisme aux États-Unis ont considérablement diminué dans cette tranche d’âge, passant d’environ 45 % en 1974 à un peu moins de 11 % aujourd’hui.16 Cela signifie que, pour ces patients en particulier, nous avons beaucoup plus de dents à soigner qu’il y a plusieurs années. Cette situation doit être reconnue et gérée de manière adéquate.
Il n’est pas déraisonnable de supposer que l’augmentation de l’espérance de vie, associée au maintien d’un mode de vie plus sain impliquant une alimentation plus acide, pourrait bien entraîner une augmentation du nombre de cas d’érosion dentaire. À moins, bien sûr, que nous ne mettions en place des mesures préventives pour aider à répondre à ces préoccupations avant que d’importants dommages n’aient lieu. En premier lieu, les professionnels de la santé bucco-dentaire doivent être beaucoup plus proactifs dans leur recherche de l’érosion, en particulier aux premiers stades de l’affection, et recommander l’utilisation de produits dont l’efficacité a été démontrée pour aider à prévenir son apparition et sa progression.